Pour la plupart des compositeurs
oeuvrant dans le champ des musiques minimalistes, la voix est une
donnée difficilement approchable. Trop présente, trop versatile,
elle est le plus souvent délaissée au profit d'ambiances purement
instrumentales. Les deux artistes californiens Steve Peters et Steve
Roden ne font pas exception à la règle, et s'ils se sont finalement
décidés à poser leurs voix sur Not a Leaf remains as it was, c'est
au terme d'un lent processus qui les a d'abord vu faire office
d'arrière plan vocal pour la chanteuse Anna Homler il y a plus de
quinze ans avant de chercher par tous les moyens à dépouiller la
voix de ses attributions pour un éventuel album chanté. Il leur
fallait tout d'abord écarter le problème du sens, des mots, et
puiser ailleurs leur matériau sonore. C'est donc sur une série de
poèmes japonais écrit par des moines sur leur lit de mort que le
duo a donc fixé son choix, sachant que ni l'un ni l'autre ne parle
japonais, et que ce sont des fragments du texte, sortis de leur
contexte, traduits ou non, qui ont été sélectionnés et
« chantés » par Peters et Roden lors d'un enregistrement
en résidence de trois jours lors duquel ils ont – autre contrainte
auto-imposée – choisi de ne pas recourir aux instruments
électroniques. Il en résulte un album incroyablement fragile,
presque miraculeux, où chaque mouvement, si infime soit-il prend de
l'importance. Ici, les voix flottent en apesanteur, semblant éveiller
sur leur passage des mélodies fines où un orgue, une guitare, un
mélodica, des craquements de feuilles ou des percussions boisées
émergent lentement du silence avant d'y retourner. Le temps d'un
souffle, tout se pose, puis s'évanouit... Cela faisait longtemps
qu'on avait pas entendu sensation plus pure.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire